mardi 21 septembre 2010

Hormones et déclin cognitif : et si les œstrogènes étaient efficaces ?

 Professeur de médecine et académicien, Étienne-Émile Baulieu est connu dans le monde entier pour avoir découvert le RU486, communément appelé la pilule du lendemain. Chercheur infatigable, il dirige l’Institut Baulieu qui ambitionne, grâce à la recherche fondamentale, de repousser l’arrivée de la dégénérescence mentale liée à la vieillesse.

L’une de ses recherches les plus prometteuses, notamment pour les femmes ménopausées, porte sur le traitement hormonal à base d’œstrogènes, qui pourrait ralentir le déclin cognitif lié à l’âge, voire prévenir la maladie d’Alzheimer.

Notre rédaction a voulu en savoir un peu plus en allant à sa rencontre.

Les œstrogènes, c’est quoi ?
Pr Étienne-Émile BAULIEU: Les œstrogènes sont des hormones présentes dans les deux sexes. Ils sont, avant tout, associés aux hormones de la féminité, car on en trouve en général une quantité plus importante chez les femmes que chez les hommes. Mais, vers l’âge de 80 ans, la femme qui n’a jamais pris de traitements hormonaux aura deux fois moins d’œstrogènes que l’homme ; c’est l’un des effets de la ménopause. En effet, la production de cette hormone cesse à la ménopause, avec l’arrêt du cycle ovarien tandis que chez l’homme, les hormones ne disparaissent pas : il y a seulement une diminution progressive. On a aussi observé qu’il y avait deux fois plus de femmes que d’hommes, atteintes de la maladie d’Alzheimer, à partir de 80 ans. Alors la question à se poser est de savoir si les hormones sont impliquées d’une manière ou d’une autre, à la survenue de la maladie d’Alzheimer et des autres pathologies cognitives ?


 Peut-on dire que les œstrogènes protègent du déclin cérébral ?
Pr Baulieu : Outre cette observation entre les hommes et les femmes à 80 ans, plusieurs études scientifiques tendent à démontrer que l’absence d’œstrogènes contribuerait à la baisse progressive du fonctionnement cérébral et à l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Chez des jeunes femmes d’environ 30 ans, qui, pour une raison ou pour une autre, sont privées d’œstrogènes suite à une ovariectomie (ablation des ovaires, ndlr), on observe systématiquement une baisse du fonctionnement cérébral, si on ne leur administre pas d’œstrogènes. Chez les animaux, les primates en particulier, des études sérieuses et mondialement attestées, ont prouvé que les œstrogènes étaient importants et utiles pour le développement et le fonctionnement du cerveau. Ces effets bénéfiques ne sont pas improbables chez l’espèce humaine.

 Avec le vieillissement constant de la population, une telle recherche est donc urgente, non ?
Pr Baulieu : En France, 800 000 personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer et le pic de la maladie est observé vers 85 ans. La durée de vie va continuer à augmenter : la moitié des enfants nés dans les années 2000 atteindra 100 ans. On vivra de plus en plus vieux et le nombre de malades d’Alzheimer augmentera sans cesse, car pour le moment, aucun traitement contre la maladie n’existe. Une telle recherche est donc nécessaire. Toutes ces données soulèvent également une problématique : comment adapter le fonctionnement cérébral à ce nouveau défi démographique ? Si c’est pour être, comme on dit familièrement, un « légume », il est évident que personne ne souhaite vivre jusqu’à un certain âge.

Comment souhaiteriez-vous procéder ?
Pr Baulieu : Chez la femme, l’absence d’œstrogènes, surtout à la ménopause, peut être en partie responsable de la modification cérébrale qui amène la maladie d’Alzheimer. Mon équipe et moi-même souhaitions mener une observation chez des femmes de 50 à 60 ans, avec et  sans traitement hormonal substitutif, en utilisant notamment l’imagerie cérébrale pour confirmer ou infirmer notre hypothèse. Ceci est très important pour moi qui m’intéresse depuis des années aux effets des hormones sur les personnes qui vieillissent. Il est indispensable de faire une étude d’observations concernant les femmes qui prennent des hormones et celles qui n’en prennent pas, et ainsi prouver avec des faits que les œstrogènes agissent positivement sur l’activité cérébrale. Il n’est pas question d’imposer quoi que ce soit, ni aux femmes, ni aux médecins, mais seule une recherche  biomédicale permettrait de vérifier si cette hormone est impliquée, ou non, dans le processus du déclin mental chez l’Homme. J’en appelle à des financements, surtout privés, pour investir dans une telle recherche qui pourrait déboucher sur des résultats phénoménaux. Le traitement hormonal présente plus d’avantages que d’inconvénients.


Les traitements hormonaux mériteraient-ils donc d’être réhabilités ?
Pr Baulieu : Oui, ces traitements peuvent jouer un rôle de prévention des maladies cardio-vasculaires. Ils pourraient également ralentir le vieillissement cérébral ! Il y a quelques années, une étude sur le THM a été organisé aux États-Unis (étude WHI ). Avec une bonne intention au départ et des moyens astronomiques (1 milliard de dollars, des dizaines et des dizaines de milliers de femmes interrogées), les résultats de cette étude ont fait baisser de moitié le nombre de femmes qui prenait un traitement. Peu après, les résultats de cette étude ont été contestés, parce que la population interrogée n’était pas représentative : les femmes étaient âgées en majorité de 70 à 75 ans, âge auquel se détecte potentiellement les cancers, et ce malgré la prise – ou non – d’un traitement hormonal de la ménopause. Je le répète: la prise d’hormones pour les femmes, dés la ménopause, c’est-à-dire à 50 ans, ne présente aucun danger. C’est même très efficace, par exemple, contre les bouffées de chaleur.
Propos recueillis par Makhoudia DIOUF

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